the Buddha's wife: Sakya or Koliya?

From: Eugen Ciurtin
Message: 3827
Date: 2014-04-23

Dear Colleagues,

 

Reviewing the excellent 

 

BuddhaghoṣaPadyacūḍāmaṇi – Il diadema dei versi di Buddhaghoṣa, introduzione, traduzione e note, testo sanscrito e apparato critico a cura di Marco Franceschini, collana « Letteratura sanscrita », Milano, Edizioni Ariele, 2010 [septembre], 350 pp. – ISBN 978-88-86480-95-6, EUR 26,00

 

I encounter (4.2-4) the rather perplexing (yet straight) affiliation of Yasodharā to the neighbouring clan of Koliyā. I would much benefit from your expert opinion regarding the Pali sources I tried to outline. Please let me send you my findings (written alas in [bad] French). 


With every good wish and mettā,

Eugen

 

En suivant implicitement A.K. Warder (dont l’avis est cité ailleurs), l’auteur considère l’affiliation de l’épouse du Buddha aux Koliyā (4.2-4) en tant que « misteriosa […], che non sembra nota in nessun altro testo » et appartenant donc aux « altre fonti, forse andate perdute » (p. 26 cum n. 45 ; Warder, Indian Kāvya Literature [§4050] favorisait les Vātsīputrīya). Comme l’avait correctement vu André Bareau en 1982, l’épouse même du Buddha est « un personnage bien mystérieux », mais son éventuelle appartenance aux Koliyā (avec ou sans une critique des pratiques endogames parmi les Sakya[1]), quoique même pas évoquée dans la quasi-totalité des recherches du siècle dernier (par Bareau non plus), est une question beaucoup plus vexée, méritant une enquête distincte. Les détails de nomenclature et de « structure élémentaire de la parenté » pourraient apporter quelques éclaircissements. Tout d’abord, « la tradition bouddhique dans son ensemble ne connaît aucune autre femme de la tribu des Śākya qui ait porté ce nom de Yaśodharā »[2], et son portrait n’est plus proéminent ni dans l’ensemble des traductions en chinois des canons bouddhiques indiens. On a semble-t-il constamment ignoré l’identification entre l’épouse du Buddha et l’ancienne nonne Bhadda Kaccānā, introduite par Buddhaghosa vraisemblablement pour pallier à l’absence d’information dans le Canon pāli. Or traditionnellement Bhadda Kaccānā provenait de Devadaha (Devaḍaha), à en croire les commentaires, donc de la ville manifestement appartenant aux Koliyā, et était fille de Suppabuddha[3], roi de ce clan voisin au Sakya. Cette différence pourrait s’expliquer aussi par la vénération à Sri Lanka de la huitième part (d[r]oa) des reliques du Buddha, arrivés sur l’île directement du stūpa de Rāmag[r]āma – notoirement ville des Koliyā (ainsi et surtout le Mahāvaṃsa XXXI.18–20). Et le premier rêve que fait l’épouse du Buddha, pendant la nuit de son départ, rappelle précisément une inquiétude de clan que le Mūlasarvāstivāda-vinaya (i.e. le Saghabhedavastu I.81-83) adoptait déjà, en évoquant sa peur d’interrompre le mātkāvaśa, son « lignage matrilinéaire »[4]. L’isolation dans laquelle a été tenu le Padyacūāmai pourrait être susceptible donc d’un renforcement des différences d’optique matrilinéaire entre les sources en sanscrit et en pāli et finalement entre l’état des canons pendant leur transposition du nord au sud[5]. Sans même insister sur l’homonymie Yasodharā (Koliya) = mère de Māyā et Yasodharā (Sakya) = Rāhulamātā/Gopā/etc., qui pourrait bien prêter à des confusions, nous rencontrons ici une tradition beaucoup plus étonnante et discrète, qui avait néanmoins fait surface plus tard, mais sans aucune référence fiable, chez F.W. Thomas, A. Getty, Frazer ou, en Inde, même Ambedkar, et est plutôt ubiquitaire chez certains autres auteurs contemporains. Autour de la ville népalaise frontalière de Devdaha (supposée être l’ancienne Devadaha) on a tâché retrouver, par des fouilles archéologiques de 2012–2014, les restes de l’ancienne demeure de l’épouse du Bouddha, il va sans dire sans succès aucun.

 



[1] Voir, en suivant l’analyse pionnière de Murray B. Emeneau (1939), Thomas R. Trautmann, « Consanguineous Marriage in Pali Literature », JAOS 93 (1973), no. 2, pp. 158–180 (surtout 160–162) et maintenant Jonathan A.[lan] Silk, « Incestuous Ancestries: On the Family Origins of Gautama Siddhārtha, Interpretations of Genesis 20.12, and the Status of Scripture in Buddhism », HR 47 (2008), no. 4, pp. 253281 (ici *).

[2] A. Bareau, « Un personnage bien mystérieux: l’épouse du Buddha », in L.[ouise] A.[nna] Hercus [Schwartzschild], F.[ranciscus] B.[ernardus] J.[acobus] Kuiper, T. Rajapatirana, E. R. Skrzypczak (éds.), Indological and Buddhist studies: volume in honour of Professor J.W. de Jong on his sixtieth birthday, Faculty of Asian Studies, Canberra, 1982 (republ. New Delhi: Sri Satguru Publications, 1984), pp. 31–59, repr. dans ses Recherches sur la biographie du Buddha dans les Sūtrapiaka et les Vinayapiaka anciens, vol. III: Articles complémentaires, Publ. de l’École française d'Extrême–Orient vol. 178, Paris: EFEO, 1995, pp. 119-147 (ici 1982, p. 37 / 1995, p. 125).

[3] Voir William Pruitt, The Commentary on the Verses of the Therīs (Therīgāthā-aṭṭhakathā Paramatthadpan VI) by Ācariya Dhammapāla, Oxford, PTS, 1998, p. 181 (ad §140 : la therī Mahāpajāpatī Gotamī « obtained rebirth in the home of Mahā-Suppabuddha in the town of Devadaha ») cum n. 3 ;  Nakamura Hajime, Gotama Buddha: A Biography Based on the Most Reliable Texts, translated by Gaynor Sekimori, Tokyo, Kosei Publishing Company, 2001, vol. 1, pp. 38–48, avec le tableau généalogique (p. 39) qui installe expressément Bhaddakaccānā dans le lignage des Koliyā.

[4] Voir John S. Strong, “A Family Quest: The Buddha, Yaśodharā, and Rāhula in the Mūlasarvāstivāda Vinaya”, in Juliane Schober (éd.), Sacred Biography in the Buddhist Tradition of South and Southeast Asia, Honolulu, University of Hawai‘i Press, 1997 (republ. New Delhi, MLBD, 2002), pp. 113–128 (ici 115–116) ; comptes rendus par Ch. S. Prebish, JAOS 120 (2000), no. 4, pp. 637-638; J. Kinnard, Biography 23 (2000), no. 1, pp. 239-242; G. Chryssides, BSR 21 (2004), no. 1, pp. 89-91.

[5] Quant aux fortes liaisons héréditaires des deux clans remontant au roi mythique Okkāka/Ikvāku/Imaho, cela renforcera une conclusion de J.A. Silk, qui montre en outre que les sources bien étudiées dès 1850-1880 (Hardy, Weber, Bigandet) ont été ensuite négligées : « despite strong disapproval the story could not be excised; it could, however, be ignored, or (at least slightly) modified », cf. son Riven by lust: incest and schism in Indian Buddhist legend and historiography, Hawai‘i: Hawai‘i University Press, 2008 (republ. New Delhi: MLBD, 2009), p. 134. Deux des sources essentielles pour l’évolution des légendes autour de la femme du Buddha brodées aux extrémités de l’Asie du Sud bouddhique, et qui par ailleurs n’ont pas été prises en compte par Bareau, ont été depuis étudiées et traduites : voir Joel Tatelman, « The Trials of Yaśodharā and the Birth of Rāhula : A Synopsis of Bhadrakalpāvadāna II-IX », BSR 15 (1998), no. 1, pp. 3–42 et « The Trials of Yaśodharā: The Legend of the Buddha’s Wife in the Bhadrakalpāvadāna [from the Sanskrit] », Buddhist Literature 1 (1999), pp. 176–261 (le Bhadrakalpāvadāna comporte quelques 2300 verses sur Yaśodharā uniquement), ainsi que Ranjini Obeyesekere, Yasodharā, the wife of the Bōdhisattva. The Sinhala Yasodharāvata (The Story of Yasodharā) and the Sinhala Yasodharāpadāniya (The Sacred Biography of Yasodharā), translated with an Introduction and Notes, Albany: SUNY Press, 2009, voir aussi le compte rendu de Sarah Shaw, BSR 27 (2010), no. 1, pp. 107–114.


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